Noémie Lorenzi

Aujourd’hui, dans le domaine scientifique, les communs ont le vent en poupe. Mais que représentent-ils exactement ? Pour faire simple, cela consiste en une communauté clairement définie gérant une ressource (eau, pâturage, etc.) en commun. Cette forme de gestion partagée d’une ressource à échelle locale était très fréquente par le passé. Toutefois, c’est désormais le modèle de propriété privée qui domine, et largement, la société contemporaine. En Suisse, et ailleurs dans le monde, quelques institutions de ce type subsistent encore ; c’est notamment le cas au Tessin, avec les Patriziati. Ces associations d’habitants locaux (depuis plusieurs générations) administrent la majorité des forêts et pâturages tessinois.

L’objectif de mon mémoire est donc de comprendre comment s’organise la gouvernance des pâturages, soumise à un régime ancestral de propriété commune, dans le XXIe siècle capitaliste. Ce projet prend forme autour d’une étude de cas de deux alpages bovins-laitiers dans la Vallée de Blenio au nord-est du Tessin. Afin de comprendre le système de gouvernance moderne, j’ai identifié les acteurs et jeux de pouvoir liés directement ou indirectement aux deux alpages en question.

De nos jours, les Patriziati entretiennent les alpages, qu’ils louent à des paysans ou groupements de paysans. Le canton supervise certaines décisions et apporte parfois un soutien financier pour l’entretien et l’exploitation de la ressource. Puis, d’autres entités viennent s’ajouter au panel d’acteurs engagés. Par exemple, la Confédération encadre l’agriculture et la gestion du paysage.

Les résultats de ce travail, représentatifs du contexte régional par de nombreux aspects, soulèvent différents enjeux. Le système de gouvernance actuel est plutôt résilient puisque les acteurs impliqués se complètent : le Patriziato met à disposition une ressource indispensable aux paysans, en contrepartie, ceux-ci la maintiennent en état. Le canton apporte parfois un soutien financier ou technique quand il juge cela nécessaire. Cependant, cet équilibre demeure fragile. L’entretien des infrastructures alpestres a un coût élevé, que le Patriziato a de plus en plus de mal à couvrir. Les membres de l’institution n’ont souvent plus de lien direct avec l’agriculture, et leur engagement bénévole pourrait donc diminuer dans les années à venir. En outre, la pratique de l’alpage est essentielle pour l’équilibre économique des exploitations agricoles laitières de montagne. La vente du fromage transformé durant l’été constitue un point central du revenu des agriculteurs quand la production hivernale de lait n’est pas rentable.

Dans le cadre de cette recherche, j’ai vécu près de sept mois (trois mois initialement prévus) dans la Vallée de Blenio. Petit à petit, je suis parvenue à m’intégrer. Je me suis donc sentie à l’aise pour prolonger mon séjour, approfondir ma récolte de données et commencer à écrire sur place, mais aussi pour découvrir la région. J’ai également eu l’opportunité de participer concrètement à la vie agricole en alpage, dont je garde un merveilleux souvenir.

Le village de Olivone où j’ai vécu pendant ma recherche de terrain (2023).

Les vaches attendent leur tour pour la traite sur l’alpage de Pian Segno (2023).

Les pâturages de l’alpage Bolla – Carassina (2023).